L'accusé

Khun Srun est né en 1945 dans la province de Takeo, à 50 km au sud de Phnom Penh. Orphelin de père à huit ans, c'est sa mère, petite épicière et fervente bouddhiste, qui l'élève avec ses six frères et surs. Élève brillant, il est envoyé à la capitale pour poursuivre ses études secondai-
res. Parallèlement à sa formation de professeur, il passe le bac mathématiques en candidat libre et suit des cours de littérature khmère et de psychologie à l'université. En 1967, à la faveur des grandes manifestations de gauche, il se lance dans le combat politique.
Moderniste épris de science, humaniste pacifiste, admirateur des idéaux de la Révolution française, lecteur de Hugo, de Camus, de Sartre et de Soljenitsyne, Khun Srun voit dans la destitution de Sihanouk un nouveau 1789, mais il doit rapidement déchanter et finit par s'opposer au nouveau régime. Bien qu'incarcéré à deux reprises, il a le temps d'être à la fois professeur de mathématiques, journaliste, essayiste, romancier et poète. Partisan d'une gauche qui rejette à la fois le régime de Lon Nol et la violence de l'extrémisme national-communiste, il songe à fuir à l'étranger, mais décide finalement, en 1973, après une seconde incarcération, de rejoindre le maquis révolutionnaire khmer rouge. Il est assassiné dans l'une des dernières purges du régime de Pol Pot en 1978.
Le météore Khun Srun laisse derrière lui une uvre insolite, d'une qualité littéraire exceptionnelle. En à peine quatre ans, il invente un style et des formes qui dessinent les contours d'une future et brillante littérature moderne.