Falloir

Au-delà d'un simple recueil, Falloir se présente comme un monde en suspens. Le jeu étymologique entre falloir et l'anglais to fall (tomber) éclaire un autre visage de la poésie : tout poème est une chute délibérée hors des certitudes, un plongeon gracieux dans l'inconnu. Chaque vers est une passerelle entre l'être et le socle archétypal d'une humanité partagée. C'est une invitation à habiter nos disparitions, à écouter le souffle du poème dans le vide des mots et à laisser la lumière émerger de l'épaisseur de nos ombres. En refermant ce livre, on emporte avec soi l'écho d'un chant cosmique, fragile et puissant, qui ouvre la possibilité d'un regard neuf sur l'existence et le langage même.
L'arc narratif de Falloir se structure autour de la mémoire et de l'oubli : souvenirs « revêtus de papier glacé », « mémoire de sable » qui se fissure, et promesse d'une « eau millénaire » capable de laver toute encre échappée. L'écriture trace les contours d'une quête identitaire où le je-poétique se cherche et se défait, enfermé dans le langage qu'il tente pourtant de traverser pour se nommer. Dans ces pages, le souvenir rejaillit sous forme d'images pliées, tandis que l'ombre, loin d'être négative, se révèle partenaire, berceau de toute création.
Comme Falloir verbe impersonnel qui ne se conjugue qu'à la troisième personne du singulier, la poésie se déploie hors de tout lyrisme : elle se fait exigence commune, nécessité silencieuse et intemporelle. Dans cette impersonnalité réside sa force : sans personnifier la voix poétique, elle suspend l'arbitraire du locuteur pour inviter le lecteur à se reconnaître dans l'impératif poétique, à combler le silence du poème par sa propre sensibilité.